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Titre : La Cité de Dieu
Titre original : Cidade de Deus
Réalisation :Fernando Meireilles, co-réalisé avec katia lund
Scénario :Braulio Mantovani d'après le roman dePaulo Lins
Photographie :César Charlone
Années 60. Gamin de onze ans, Fusée habite la Cité de dieu, une banlieue pauvre de Rio. Son grand frère vit de « petits » vols armés et se retrouve mêlé à un meurtre sordide. Petit Dé admire le gang de Tignasse et rêve de devenir le roi du quartier
Années 70. Petit Dé prend en charge le trafic de drogue avec la complicité de Bené. Paranoïaque, le caïd souhaite se débarrasser des autres dealers. Plus sentimental, Fusée tombe amoureux de la jolie Angelica et se demande perpétuellement comment ne pas vivre « comme un couillon ».
Années 80. Petit Dé devenu Petit Zé règne sur un empire de la drogue. Il ne tolère plus la moindre résistance et viole la compagne de Manu Tombeur. Ce dernier s'allie avec Carotte, le dernier concurrent de Petit Dé pour se venger. Fusée, qui, entre temps, a décidé de devenir photographe, devient le témoin privilégié de cette guerre urbaine.
Oubliez les clichés Brazil-Samba-Bonheur-Et-Foutchebol... D'ailleurs, le seul ballon qui apparaît dans le film se fait très vite trouer. Il ne sera pas le seul.

La fresque sociale
Ici, les destins individuels sont aussi importants que la fresque sociale.
« Cité de Dieu, peut-être, mais oubliée par les hommes ; favela de la banlieue de Rio érigée à la hâte au milieu des années 60, cauchemar d'urbaniste aux rues de terre battue, qui deviendra peu à peu, par prolifération anarchique et insalubre, un coupe-gorge dédaléen. Chaque milieu génère son évolution : Emile Zola lui-même, le Darwin du vérisme, n'aurait pas mieux (ou moins bien) décrit que Fernando Meirelles, cinéaste brésilien, ces vingt années de glissement vers la sauvagerie, vers un état de non-droit, du simple pillage d'intérêt public un camion de Butagaz pour alimenter les réchauds du quartier au crime organisé, trafic d'herbe, , puis de cocaïne les armes de cette guerre commerciale-là seront bientôt l'Uzi, la kalach et le lance-roquettes. » (Aurélien Ferenczi, Télérama, Samedi 15 mars 2003) .
Le film est une adaptation d'un roman fleuve sur l'évolution d'une favela des années 60 aux années 80, écrit par Paulo Lins. Le roman montrait comment les favelas avaient été construites, hors de tout cadre légal, au départ destinées à n'être que temporaires, puis un temporaire qui devient permanent sans être adaptées à accueillir autant de familles ; tout ceci dans une perspective de dénuement total, puisque même l'Etat reste étrangement absent, lointain) . Loin de toute perspective économique, les favelas avaient naturellement généré l'élément criminel, qui alla en s'aggravant, devenant les vrais maîtres de ces quartiers.
Le point de vue adopté pour la narration était sensiblement le même que dans le film : l'histoire d'un enfant de la cité, témoin privilégié, rêvant de devenir photographe, mêlé d'une façon ou d'une autre à l'histoire de la plupart des nombreux personnages, dont les histoires, dans cet environnement restreint géographiquement, s'entrecroisent sous ses yeux.

L'histoire avait été traitée avec réalisme (d'autant plus de réalisme que le narrateur du roman était justement l'auteur) , et qui dit réalisme dans cet environnement signifie malheureusement violence. Pour ce faire, l'équipe de réalisation était passée par plusieurs moyens : travail documentaire assez conséquent, mais aussi plusieurs parti-pris de réalisation favorisant l'observation documentaire ou l'authenticité dans la réalisation au sens large. Sans nous étendre sur ce point, sur lequel nous reviendrons plus tard, on évoquera l'aspect un peu amoral (Je dis bien a-moral, et pas im-moral) , qui permet une neutralité, voire une objectivité propice au développement d'un portrait amer de cet aspect de la société Brésilienne.
Autre élément-clé marquant du film : le choix des acteurs, où ne figurent aucun acteur professionnel. Tous ont en effet été recrutés dans ces favelas où le film se déroulent, et formés huit mois durant pour interpréter ces rôles sur des réalités qu'ils connaissaient particulièrement bien pour les avoir vécu. « Cette expérience préparatoire a duré huit mois, et le résultat est époustouflant : peu (euphémisme) de comédiens sont capables de telles prouesses d'intensité et de crédibilité, prouesses dont fait preuve l'ensemble du casting (et les personnages sont nombreux dans cette intrigue foisonnante). Nous sommes donc bien loin de la légèreté d'une production clippesque "tendance"... » (rémi Boîteux, Le quotidien du cinéma)
Un élément clé du film, même sans s'attarder sur cet aspect sociologique qui entre naturellement dans cette fresque sociale, qui est au centre du film : le destin de ces enfants, livrés à eux-même et qui développent très vite des comportements d'adultes, la maturité en moins, ce qui donne un mélange assez explosif, et, en effet, des moments de violence assez terribles et incontrôlées.
« on retrouve le thème de l'enfance livrée à elle-même, cher à Walter Salles, ici producteur, et réalisateur de Central Do Brasil, thème qui est en soi un constat social amer (d'autant plus quand on sait la part importante de la jeunesse dans la démographie brésilienne). » (Patrick Mpondo-Dicka, Fernando Meirelles trop virtuose ?, In Cadrage.net)

Une réalisation audacieuse et merveilleusement rythmée
Bien sûr, une fresque sociale, aussi intéressante soit-elle, n'accèdera pas à mes yeux à la qualité de chef-d'oeuvre, si elle n'est « que » bien documentée (sinon, ça s'appelle tout simplement un reportage, ce qui peut d'ailleurs être un autre genre de chef-d'oeuvre) . Et c'est surtout cet aspect du film que je souhaitais développer.
C'est aussi ici que se révèle le talent du scénariste : dans cette façon de retracer les destins individuels des différents protagonistes du film. C'est aussi autour de ces destins et de leurs étapes que s'articulent les diffentes phases narratives : la première partie, traitant de l'histoire de ces premiers gangs, avec un style à la robin des bois ; la deuxième, sur l'ascension de ces requins de moins de vingt ans qui feront passer leurs ainés pour des petits joueurs, pendant que Fusée grandit et cherche à s'en sortir autrement ; la troisième, sur le déclin de certains protagonistes, pendant que la roue tourne ; ... Ici, c'est un scénario en forme classique de tragédie en trois actes qui se dessine. Classique, mais toujours efficace, quand la réalisation suit...

Et ici, la réalisation suit ! Dès l'incipit, le réalisateur dévoile une maîtrise admirable de l'ensemble de la palette du réalisateur : le choix des couleurs, des décors, de l'environnement, de toutes les possibilités que donnent un montage efficace, de l'importance de la symbolique, ... La qualité du film en bénéficie, aussi bien au niveau de chaque scène que de l'ensemble.
Au niveau de chaque scène, on sent le soin apporté à donner un effet de style qui guide le spectateur dans le film, tout en évitant l'overdose. Ici, soyons honnêtes, on est toujours sur la corde raide, la frontière qui sépare le cinéma branleur du bon cinéma riche en effets de style qui réjouiront le spectateur, mais sans jamais pencher un tant soit peu du mauvais coté, celui du cinéma à la « regardez moi comme je suis comme je me la joue avec ma maîtrise ».

Ainsi, la scène d'ouverture met tout de suite dans l'ambiance : « Meirelles nous plonge in medias res dans les tribulations d'une poule que l'angoisse d'être tuée pousse à échapper à la cordelette qui la retient par la patte. Multiplications des angles de caméra, plans courts et montage parallèle entre l'affûtage du couteau, les « regards » effarés des différents poulets et les étapes diverses de la préparation (cou coupé, trempage dans l'eau bouillante, plumage), jusqu'à l'évasion de la poule qui conduit à une poursuite effrénée et bruyante dans les rues de la favela, le tout sur une samba endiablée et une exagération des sons in (couteau sur la pierre, caquetage des poulets « inquiets », vrombissement d'un camion sous les roues duquel la poule manque de finir).
Dès l'entrée en matière, nous avons une idée du rythme dans lequel nous plongera cette incroyable fête des yeux et des oreilles. En effet, l'incipit illustre une rythmique trépidante qui ne baissera jamais de régime tout au long du film. Nulle longueur, nul ralentissement, si ce n'est pour augmenter la tension dramatique de la scène. Mais l'incipit, au-delà du contrat rythmique, situe également le contrat thématique dans lequel le film entend nous plonger. L'angoisse de la poule renvoie à celle de tous les protagonistes du film : voir les siens mourir, ou être tué. La seule différence entre la poule et les protagonistes humains : eux, peuvent tuer à leur tour. En somme, la scène d'ouverture est une allégorie. » (Patrick Mpondo-Dicka, Fernando Meirelles trop virtuose ?, In Cadrage.net)
Et cette profusion se poursuit de scène en scène. Patrick Mpondo-Dicka parle surtout à ce propos d'une autre scène, celle d'une expédition punitive qui finit en assassinat commis par de jeunes ados sur des enfants (tous ces personnages étant déjà des voyoux ou des truands confirmés...) , mais dans chaque scène, c'est la recherche constante du juste milieu entre le déroulement de l'histoire et la recherche du petit détail qui donnera à cette scène le ton juste pour amener le spectateur là où le réal veut qu'il aille... Chaque mouvement de caméra, chaque zoom, ... témoigne de cette volonté. Des scènes comme ce braquage mort-né par Fusée.
Mais c'est aussi l'ambiance générale qui est travaillée. L'évolution est accompagnée là encore de l'emploi de constantes évolutives dans la réalisation, Evoquons-en trois. l'emploi des couleurs, d'une part : « les transformations urbaines suffisent à exprimer les changements d'époque. Les couleurs chaudes des sixties disparaissent au profit des paillettes disco puis cèdent à la froideur des années 80. Le choix d'une mise en scène stylisée utilisant un vocabulaire formel moderne répond à la volonté d'aborder ce pan de l'histoire sous un angle mythologique. » (Yannick Vély, Film de culte)

Les couleurs, mais aussi l'environnement : la nuit, par exemple, bien qu'elle présente un aspect pratique intéressant, est parfaitement utilisée également dans toute sa symbolique : sombre, voire noirceur, que ce soit des sentiments, de la psychologie, ou des évènements ; mystère, en forme d'élipse ou d'annonce ; ...
Un dernier exemple parmi tant d'autres : l'amoralité du film, façon de faire sentir au spectateur la dureté de l'endroit, mais aussi de préparer le spectateur à voir le film dans une perspective d'étude sociale : « Le film de Meirelles ne fonctionne pas sur l'apitoiement. Il est même assez amoral, au regard de son propos : ni condamnation, ni vraiment mise en exergue (au contraire, par exemple, de la complaisance joyeuse du Trainspotting de Dany Boyle à l'égard de l'univers qu'il dépeint), il décrit les faits avec une certaine distance, que produit à la fois la voix off d'un protagoniste qui s'affiche dès le départ comme trop peureux pour participer aux événements, et le peu de sollicitation empathique du jeu des acteurs et de leur mise en scène. Peu de larmes, et quand elles existent, elles ne sont pas montrées (non visible, voire hors-champ), ou peu (pas de longs plans fixes sur visage en larme, comme dans certains films qui jouent, parfois habilement, sur l'empathie lacrymale), et la plupart du temps, elles ne sont pas le fait des protagonistes principaux. » (Patrick Mpondo-Dicka, Fernando Meirelles trop virtuose ?, In Cadrage.net)
De la psychologie et une réelle évolution des perso, contrairement à ce que j'ai pu lire, mais pas d'approfondissement moral, ce qui donne un coté assez amoral, à la façon d'un reportage (ce qui justifie d'ailleurs un peu plus, à mes yeux, le parallèle avec Tropa de elite) . Car c'est bien de cela qu'il s'agit : d'une chronique sur l'évolution de la favela, autant que d'un récit sur des évolutions individuelles parallèles.
Mais ce qui marque, surtout, dans La Cité de dieu, c'est son montage à la Pulp fiction (on a beaucoup parlé des influences de Scorsese, mais honnêtement, pour moi, c'est surtout Tarantino qu'on reconnaît ici) , qui, ajoutée au soin pris pour filmer chaque scène, permet à Fernando Meireilles de dépasser le maître et de renouveler l'utilisation de cette technique.
La technique de narration fait inévitablement penser à Pulp fiction, faîte de flash backs et de retour (ultérieurs ou immédiats) sur la scène d'un point de vue différent, apportant une perspective différente à la fois aux évènements et à la psychologie des protagonistes.
Une technique de réalisation qui, couplée au travail fait sur chaque scène individuellement, permet des changements de perspective fréquents non seulement pour les perso et l'histoire, mais également au niveau du ton du film : on passe sans transition, mais avec une harmonie surprenante du tragique à l'humour, de la violence et de la brutalité à l'absurde, ... Bref, comme dans la vie, tout simplement, ce qui permet de développer l'aspect réaliste du film par le parti pris « sur-réaliste », comme dirait Le Quotidien du cinéma (cf plus loin) .
Par exemple, la fameuse scène du viol de la petite amie de Manu Tombeur et les scènes qui vont suivre immédiatement : [spoilers inside] Petit Dé part tuer Carotte, son principal concurrent ; tombant sur Manu Tombeur, le beau gosse sympa et positif, aimé de tout le monde, bref, tout ce qu'il ne sera jamais, décide de se calmer les nerfs en violant sa petite amie devant lui, ce qui est montré avec un plan qui permet à la fois d'accroître le choc et de'éviter une vision trop directe du viol. Puis il repart tuer Carotte, content de lui. Manu, chez lui, tente de se calmer, et dit « pourquoi il ne m'a pas tué, ce salaud ? ». Pile à ce moment, plan sur Petit Dé, stupéfait, qui se demande « pourquoi je ne l'ai pas tué, cet enculé ? » et repart tuer Manu. Il ne le fera pas, mais tuera son frère, puis repart chez lui parce qu' « il se fait tard et qu'on ira tuer Carotte demain »... Ce soir-là, le destin de trois personnes bascule : Manu décide de s'allier à Carotte pour se venger ; Carotte, qui croyait sa dernière heure arrivée, trouve en Manu Tombeur l'allié de choix pour affronter Petit Dé ; Petit Dé, avec ses coneries, vient d'épargner un ennemi mortel, et s'en créé un autre dans la foulée, créant ainsi une alliance puissante et potentiellement fatale contre lui. [spoilers inside]

« Le parti pris incroyablement casse-gueule de ce film est de nature à susciter la plus grande méfiance, voire à préparer le terrain d'un rejet total : il s'agit d'adapter un roman-fleuve retraçant avec le plus grand réalisme le quotidien des favelas sur trois décennies, en utilisant une structure narrative héritée de Tarantino ainsi qu'un arsenal visuel façon MTV. A première vue, voilà qui semble relever au mieux d'un manque total de discernement, au pire d'une complaisance révoltante. Mais on voit La Cité de Dieu, et on ravale aussi sec ses considérations (est)éthiques.
En effet, dès les premières images les choix radicaux du réalisateur fonctionnent à plein. Certes, le film est rempli à craquer d'effets en tous genres, mais il s'agit de l'utilisation la plus intelligente de ces effets à l'écran depuis le Requiem for a dream d'Aronofsky. Car ici ils ne font que renforcer les sensations intrinsèques au propos, à les faire ressentir physiquement. Et le "sur-réalisme" du traitement de se retrouver au service du réalisme de cette plongée au coeur de la violence quotidienne des favelas. On ressort de La Cité de Dieu avec l'impression tenace d'y être allé pour de bon, peut-être même d'avoir évité de justesse quelques balles perdues (les cicatrices présentes longtemps après la projection en attestent). » (Rémi Boîteux, le Quotidien du cinéma)
D'une certaine façon, on peut aller plusloin : le rythme accentue cette prise de distance morale, élément-clé de l'aspect reportage/fresque. Ainsi, cet aspect du film, a priori incompatible avec le propos, permet-il justement de créer soit un changement de perspective assez intéressant, pour en faire soit une sorte de légende mythologique (comme dirait) , soit une manière originale de transmettre l'information, soit (et à mon avis, c'est plutôt ça) les deux, de façon complémentaire.

« Plutôt que de développer une thèse bavarde sur les effets néfastes de la violence (..) , Meirelles l'intègre à l'économie narrative du film. La motivation de chacun des personnages est le fait d'un jeu de causalités sur lequel le film construit sa temporalité complexe. Ainsi, loin de compliquer à loisir l'intrigue, les nombreux retours en arrière et les différents points de vue proposés sur une même scène (y compris le fait que cette scène peut être coupée puis complétée par la suite) ont un effet structurant (...) L'origine des faits et gestes de chaque personnage est toujours donnée, dans une relation terriblement simple de cause à effet, dont le moteur principal est souvent la vengeance - plus brute, individuelle, que l'institutionnelle vendetta des films de gansters. Le flash-back est ainsi toujours éclairant, si ce n'est explicatif, quand ce n'est pas la voix off qui se charge de nous donner une raison » (Patrick Mpondo-Dicka, Fernando Meirelles trop virtuose ?, In Cadrage.net)
Bref, que peut-on dire de plus en espérant que ça vous donne envie de voir ce film ?
Je reprendrai simplement deux citations. « Le choix d'une mise en scène stylisée utilisant un vocabulaire formel moderne répond à la volonté d'aborder ce pan de l'histoire sous un angle mythologique. » (Yannick Vély, Film de culte) . Pendant tout ce film, c'est le choix cornélien du réal : traiter cette histoire sous un aspect un peu légendaire, ou sous un angle plus réaliste, donc plus violent et brutal. Finalement, au lieu de partir dans deux directions incompatibles, il réussit justement à les concilier pour en faire une petite merveille esthétique et scénaristique, une fresque sociale à la Zola autant qu'un croisement de destins à la Maurice Dantec.
Je laisserai le mot de la fin au Quotidien du cinéma : « Meirelles parvient à concentrer deux figures à priori incompatibles : il est à la fois le petit malin qui veut épater son monde (et y parvient) et le cinéaste soucieux de la sincérité de son oeuvre, conscient de la tâche qui lui incombe. Autant dire une perle rare. Autant dire qu'il faudra retenir son nom. Et faire, sans plus attendre, le voyage, risqué mais nécessaire, pour La Cité de Dieu. » (Rémi Boîteux, Le Quotidien du cinéma)

Une dernière chose : L'équipe du film a aussi fait un autre film et une série à partir du film, apparemment dans la même veine : La Cité des Hommes.
Et je cite mes sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Cit%C3%A9_de_Dieu_(film)
http://www.lequotidienducinema.com/critiques/lacitededieu_critique/critique_la_cite_de_dieu.htm
http://archive.filmdeculte.com/film/film.php?id=455
http://www.telerama.fr/cinema/films/la-cite-de-dieu,79976,critique.php
http://www.cadrage.net/films/citedieu/cite_de_dieu.html
Last edited by toorop (2009-10-16 11:46:16)
The sky is blue and all the leaves are green.
The sun's as warm as a baked potato.
I think I know precisely what I mean,
When I say it's a shpadoinkle day.
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Titre : Troupe d'élite
Titre original: Tropa de Elite
Réalisation : José Padilha
Scénario : Braulio Montovani, José Padilha, Rodrigo Pimentel
Production : José Padilha (Marcos Prado)
Musique : Pedro Bromfman
Photographie : Lula Carvalho
Montage : Daniel Rezende
Pays d'origine : Brésil
« En 1997, la corruption est telle que la police n'intervient plus dans les favelas où les gangs, surarmés comme pour faire la guerre, contrôlent le narcotrafic. La visite prochaine du pape, ayant affiché son intention de dormir chez l'archevêque de Rio dans une favela, conduit les autorités à faire appel au BOPE, bataillon d'élite de la police, pour nettoyer le terrain avant son arrivée. A la tête du BOPE, le capitaine Nascimento (Wagner Moura), lassé de risquer sa vie tous les jours, nage en plein conflit entre son métier et sa vie de famille et se cherche un remplaçant. »
un ours d'or et le « prix de la polémique » : c'est ainsi que Rue 89 présentait le premier film de fiction de José Padhilla, Tropa de elite. C'est en effet un bon résumé, à tel point que j'avais hésité à mettre ce film dans le topic sur les films beaufs pas beaufs, avant de me dire qu'il était plus une sorte de prolongement de la Cité de dieu
" Voilà un film choc, nerveux à souhait, qui vous tient en haleine, parfaitement maîtrisé de bout en bout, avec un réalisme impressionnant."
Eric Coubard (article entier disponible dans Brazil n°10, page 16)
"José Padhilla a emprunté à « la Cité de Dieu » son scénariste, sa frénésie visuelle, son approche pseudo-doc clipée et sa gestion très sophistiquée de la question du point de vue."
Léonard Haddad (article entier disponible dans Technikart n°125, page 102)
Reste la découverte d'un cinéaste certes balourd mais incroyablement doué pour décrire le chaos d'une prise entre cynisme et désespoir. "
A.M. (article entier disponible dans Première n°379, page 75)
« La toile de fond documentaire et l'énergie de sa mise en scène impressionnent par intermittence, mais la complaisance du style et l'ambiguïté du propos suscitent le malaise. Intéressant, mais (très) discutable. »
O. D. B. (article entier disponible dans Le Point n°1876, p114)
" Difficile de suspecter son réalisateur José Pailha de « fascisme rampant » (...) mais on peut rester circonspect face au traitement qu'il fait de son sujet, sur le fond comme sur la forme. "
(article entier disponible dans Ouest France du 03/09/2008)
" Formellement impressionnant, Troupe d'élite confond parfois chronique et hagiographie (.). "
Eric Libiot (article entier disponible dans L'express Mag n°2983, page 68)
" Une assez bonne définition du cinéma fascisant."
J.-M.F. (article entier disponible dans Les cahiers du cinéma n°637, page 47).
Ce qui choque n'est donc pas le sujet, ni même le point de vue, mais tout bêtement la réalisation. "
Vincent Ostria (article entier disponible dans Les Inrocks n°666, page 46)
" un niveau de crétinerie décomplexée rarement atteint. "
Jacques Mandelbaum (article entier disponible dans Monde du 03/09/2008)
Ou, plus simplement, et même si j'y ajouterai plus tard une nuance : " Nettement plus désespérée que « La Cité de Dieu », cette fiction hyperréaliste, tournée en totale immersion, opte pour le point de vue du policier plutôt que celui des gangs. "
Christine Haas (article entier disponible dans Paris Match n°3094, page 38)
Bref, Tropa de elite a ses défenseurs et ses contempteurs, et, à beaucoup d'entre eux, ce film semble avoir fait perdre le sens de la nuance, voire de la mesure. Essayons ici d'évitons deux travers : d'un coté, idéaliser ce film qui n'est pas exempt de défauts, et d'un autre coté, le résumer à un « carnaval des fachos » (Libé, tout en finesse)

Un film choc sur la société Brésilienne
« J'ai voulu expliquer comment l'Etat corrompt les policiers ou les incite à la violence », expliquait José Padhilla, répondant aux critiques sur son film « Ce qu'on y voit se passe vraiment au Brésil, c'est triste, mais c'est un fait. »
De fait, et c'est indéniable, Le film, réalisé dans un style semi-documentaire, auquel participe son aspect caméra à l'épaule, est une chronique pessimiste sur la vie des favelas et la violence au Brésil à travers un point de vue original, là-bas : le point de vue des policiers. Il est d'ailleurs le prolongement de La Cité de dieu sur ce point, non pas parce que ce dernier film prenait le point de vue des trafiquants, mais parce qu'il prenait le point de vue des habitants au sens large, alors que Tropa de elite prend le point de vue d'un élément extérieur à la favela ; elément qui est en même temps à la fois une partie importante de l'équation et un témoin peut-être aussi intéressant, puisqu'il constitue un point de vue extérieur et impliqué en même temps (le parallèle avec La cité de dieu est d'ailleurs d'autant plus logique que l'un des co-scénaristes avait travaillé sur les deux films) .
Ainsi, « Tropa de Elite s'insère dans les efforts de la cinématographie brésilienne actuelle de faire une relecture de la réalité sociale complexe du Brésil urbain contemporain. » ( http://confins.revues.org/index5967.html ), mais aussi de plusieurs aspects de la société Brésilienne : la favela, la police, la corruption généralisée, et la violence du trafic de drogue. Bien sûr, il ne s'agit pas de rentrer pas dans les détails d'une étude sociologique approfondie (pour ceux qui souhaiteraient approfondir cette idée, je conseille d'ailleurs cet excellent article, prenant le film comme fil-conducteur d'un ensemble d'éléments d'analyse : http://confins.revues.org/index5967.html ) , mais il est nécessaire d'évoquer ce portrait au vitriol de la société Brésilienne pour comprendre le succès pénoménal qu'a eu ce film au Brésil.

Ici, rien ni personne n'est épargné, dès lors qu'il prennent place dans le cadre : la discrimination, basée sur la pauvreté, parfois sur des raisons raciales, accrue par la géographie et le « principe séparatif » (Voir l'article précité, j'avais trouvé l'expression amusante ; traduction : la discrimination en fonction du milieu géographique, je pense que tout lemonde connaît déjà l'idée) ; « une société qui n'a pas évolué vers l'émancipation et la fin de la marginalisation des descendants afro-brésiliens constituant toujours les couches les plus pauvres de la société urbaine. » ; la violence qui pourrit d'autant plus la situation de ces quartiers, les bandes armées qui contrôlent les favelas (en décrivant les fusils d'assaut et les pistolets-mitrailleurs qui équipent couramment les trafiquants : « partout ailleurs, ces armes sont considérées comme des armes de guerre. Ici, ce sont les armes du trafic) ; la police corrompue et sa violence (« Hors champ, il donne des chiffres : dans le rapport 2006 sur la situation des droits de l'homme au Brésil, on estimait à 3000 le nombre de personnes tuées par la police de l'état de Rio de Janeiro » ( http://cinemaniac.viabloga.com/news/tro … val-de-rio ) , mais aussi comment on en arrive à cette corruption : les salaires de 300 € par mois, le système pourri qui va jusqu'à pousser les gens honnêtes qui veulent le rester à user de moyens malhonnêtes pour accomplir leur mission ; le rôle ambigu de ces jeunes bourgeois dont le film dresse le portrait, qui mènent la belle vie et montent une asso humanitaire, mais ne se rendent pas compte qu'ils pactisent avec des gens qui sont responsables d'une grande partie des problèmes des favelas qu'ils tentent d'aider ; l'hypocrisie d'une grande partie de la société sur tous ces problèmes... Et surtout, l'ambiguité : rien n'est blanc, rien n'est noir, tout est gris, un peu cauchemardesque.

« Cette nouvelle cinématographie participe au débat public sur la violence et ses jeux de pouvoir et ne s'attache plus, comme elle a pu le faire par le passé, à rendre compte de cette réalité de manière romantique. Le film prend le parti et construit un discours parfois brutal sur la dure réalité brésilienne. Il s'agit ainsi d'un cinéma engagé qui devient un contrepoint à l'absence d'un débat public approfondi sur les causes et les conséquences de la violence sur la société. Le film contribue aux efforts des sciences sociales de comprendre la manière dont la violence structure la vie quotidienne. »

Face à cette situation, la police militaire avait créé des unités d'élite, dont l'action est justement le sujet du film, chargées d'aller là où la police traditionnelle hésite à aller, et rentrer des force dans ces quartiers devenus zones de guerre et de guerilla, grace à une formation et un entrainement hors du commun, mais aussi par tous les moyens, quite à employer la torture et le flingage à vue.Et en la matière, on est servi : de l'emploi de tactique militaires impliquant le tir pour tuer sans sommation pour infiltrer les favelas à la torture ou aux exécutions sommaire, le film montre ces policiers dans des situations qui mettent parfois mal à l'aise (y compris des gens qui ne sont pas spécialement sensibles) , en passant par la pression nerveuse énorme, et une préparation qui ferait pâlir d'envie le sergent Hartmann.
« pour certains, il ne semble pas y avoir de dénonciation des forces spéciales : les policiers du BOPE ayant des méthodes d'intervention (exécutions sommaires) et d'interrogatoire (tortures diverses) extrêmement musclées, le spectateur est en droit de se poser des questions quant à la légitimité de telles pratiques. » (Wikipédia) .
Soyons d'ailleurs clair à ce propos : le film semble hésiter entre l'approbation de ce choix tactique (ce qui avait provoqué des accusations, au mieux de propagande pour la manière forte, au pire de propagande fasciste) , l'explication objective des exactions de ces policiers sans se prononcer moralement, dans la logique d'un film semi-documentaire, et la dénonciation crescendo de méthodes pas top-déontologiques ; et il y a au moins une certaine sympathie pour ces policers hors du commun qui n'hésitent pas à employer des méthodes hors la loi pour combattre des hors-la-loi armés et organisés comme pour la guerre, bien que le réal, dans des interviews, affirme avoir voulu dénoncer cet aspect aussi de la société Brésilienne. Leurs exactions, et leurs excès sont montrés, leurs raisons et leur origine, aussi, sont plus ou moins dénoncés, mais dans quelle mesure exactement ?
Ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut probablement pas lui reprocher un manque de réalisme, et de nombreux policiers ont dû pas mal se reconnaître dans ce portrait, un peu comme les policiers Américains avaient, paraît-il, l'impression de se reconnaître dans la série The Shield (pas uniquement dans les portraits de policiers corrompus, bien sûr) . Un détail à ce propos : c'est peut-être juste une rumeur, mais sur certains visionnages en streaming de la première version, on indique que le scénario serait inspiré de faits réels, relatés par des hommes de la police militaire, et un psy des forces de police...

« Il y a plus de 700 favelas à Rio, et toutes sont contrôlées par des trafiquants de drogue armés jsuqu'aux dents, équipées avec des AR-15, AK-47, uzi, ... Dans n'importe quel pays, ces armes seraient considérées comme des armes de guerre. A Rio, ce sont les armes du crime. »
« Moralement, le film de Padilha est une épreuve : beaucoup resteront sur le carreau sans que cela bouleverse grand monde, et c'est justement cette banalisation de la violence et des morts en séries qu'entend dénoncer le réalisateur brésilien, au gré d'un gigantesque polar en forme de tragédie. » ( http://www.paperblog.fr/1043716/tropa-d … e-d-elite/ ) ; « On pourra reprocher quelques faiblesses du scénario (la naissance du fils du capitaine pile à la fin d'une opération) et le jeu parfois outrancier de Wagner Moura [NB : perso, j'ai bien aimé son jeu] mais pas le côté extrême et apparemment caricatural du film. José Padilha n'a pas pour ambition de faire la morale, il se contente de décrire les faits et, effectivement, personne ne ressort sans éclaboussure. Une authenticité confortée par les difficultés et autres menaces qui ont pavé la longue et difficile route du métrage, mais aussi et surtout par la présence de Rodrigo Pimentel, ancien capitaine du BOPE, à la co-écriture du scénario. » (Carine Filloux, Film de culte)
Bref, un film choc fait pour amener à prendre conscience de choses terribles, mais pas nécessairement un essai présentant des solutions. La fin est d'ailleurs tristement intéressante à ce point de vue, bien qu'elle présente aussi un coté un peu baclé [spoilers inside] : il s'agit d'un retour à la case départ, d'une mise en abime : le capitaine part en ayant la satisfaction d'avoir trouvé un remplaçant qui adoptera les mêmes méthodes pour les mêmes résultats, et la violence ne prend pas fin, elle semble se poursuivre de la même façon de part et d'autre ; Matias est passé de l'idéalisme excessif à l'acceptation sans sourciller de la mort au quotidien. D'une certaine façon (dans la façon de traiter le sujet et de concevoir la fin, pas vraiment dans le sujet lui-même) , la comparaison serait à chercher ici avec l'excellent L627, de Bertrand Tavernier [spoilers inside] . En tout cas, si vous sortez de cette fin sans être mal à l'aise, là, je serai étonné. Une bonne fin, adaptée à un film à voir.

Véritable phénomène de société au Brésil, le film détient le record de piratage avant sortie en salle ; « Tropa de Elite became one of the most popular Brazilian movies in history. According to Datafolha, 77% of São Paulo residents knew about the movie. The word of mouth was also important for the disclosure of the film, with 80% of the people rating the movie as "excellent" or "good", according to the same poll.[4]. The movie was released in Rio de Janeiro and São Paulo on October 5, 2007 (with the intention of being considered by the Ministry of Culture to compete as the Brazilian entry for the Best Foreign Language Film Oscar). It was released nationwide on October 12, 2007. Up to now 2.5 million people have seen it at the theaters.[5]. In Rio and São Paulo, with no promotion other than billboards, 180,000 people saw the movie during its opening weekend. » (wikipédia)
Un traitement de choc sur la forme également
Quant à la forme... Dès les premières minutes, on comprend à quoi on a affaire... ou du moins on le pense ! On se retrouve face à un film-choc, filmé caméra à l'épaule, mais avec le souci du réalisme.
L'idée, c'est de faire prendre conscience de quelque chose, autant que de montrer des destins hors du commun. Et pour cela, le réal va passer par plusieurs phases, suivant toujours, toutefois, la même ligne directrice, et avec des caractéristiques communes
L'enchaînement des phases de narration est parfois assez déroutant, et fait par moments penser à un film à sketches. Globalement, trois types de phases se dégagent : action, documentaire, en premier lieu, mais aussi des moments de narration explicative pour faire re-créer des schémas qui échappent au spectateur ; ces différentes phases étant déclinées sur plusieurs degrés de lecture et d'émotion : violence, tension nerveuse, décalage qui, suivant les cas, pourra accroître cette tension nerveuse ou créer une impression de dérision salvatrice, calme, ...

La tension nerveuse et la violence sont au coeur du film. Au coeur du scénario, bien sûr, mais aussi au coeur du tournage ; les notes de production ( http://www.commeaucinema.com/notes-de-p … lite,97410 ) expliquent d'ailleurs beaucoup de choses sur ce sujet : la volonté du réal avait été de traiter les acteurs comme on traite les gens qu'ils devaient jouer, donc, par exemple de faire subir aux acteur qui devaient jouer les policiers du BOPE un entraînement digne de l'armée, tout en faisant superviser le tournage par un ancien de cette unité. L'idée, c'est que chaque mouvement de fusil, chaque déplacement soit réaliste, que l'infiltration dans les favelas et les moindres expressions du visage soient ressenties véritablement par les acteurs. Le jeu y gagna en authenticité, mais plus encore, c'est l'ambiance du tournage qui s'en ressentit, en replaçant les acteurs en permanence dans ce qui faisait justement l'objet du film « J'étais saturé de violence et de brutalité, et je n'arrivais pas à m'en défaire, confesse [Wagner Moura, l'acteur principal]. Rentrer chez moi était ma seule bouffée d'oxygène. Ma femme venait d'accoucher de notre fils, Bern. Chaque jour de repos, je m'asseyais auprès de lui et j'essayais de me détendre. Pour tous les acteurs, le film allait être une expérience limite.
« Junqueira se souvient que, on nous a tout appris, les idées qui amènent à s'engager dans la police militaire comme les tactiques de guérilla, c'était complètement dingue ! Deux semaines de camp d'entraînement au milieu de nulle part avec six officiers du BOPE qui nous apprenaient à tirer, à encaisser les coups ou à nous défendre. On a marché dans des tranchées, on a mangé de la boue. Quiconque ne le supportait pas était viré sans y réfléchir à deux fois, comme dans un véritable entraînement, précise Junqueira. Moura ajoute « Je n'ai jamais rien vu de tel. Les mecs du BOPE nous ont entraînés comme si on allait réellement revêtir leur uniforme pour la vie. C'était la première fois qu'ils faisaient un truc pareil, alors ils voulaient y aller à fond. Ils étaient très durs avec nous ! On pénétrait en courant en formation dans les favelas, et pas une épaule ne dépassait », poursuit Moura. « Parfois, alors qu'on était loin à l'arrière-plan, un soldat venait corriger un détail en apparence insignifiant. L'entraînement était complètement fou. »

La nervosité sur le plateau était d'ailleurs renforcée par le fait que l'équipe se retrouvait parfois justement confrontée aux problèmes qui faisaient l'objet du film. En effet, l'équipe a eu beaucoup de mal à obtenir la coopération de la police pour sécuriser les lieux de tournage dans les favelas (les scènes n'étaient pas tournées en studio, mais, par souci de réalisme, sur les lieux même où interviennent ces policiers) , et a été confrontée à des menaces, plus ou moins directes, et même un jour à une fusillade. Le pic ayant certainement été atteint le jour où une camionnette avec les armes du tournage fut volée, ... Avec des membres de l'équipe à l'intérieur, kidnappés en même temps (ils furent heureusement relachés par la suite sans dommage) ! « le film a dû faire face à la réalité dont il traitait. », comme l'explique José Padhilla avec humour.
Ce qui ressort de ce film, toutefois, ce n'est pas seulement la violence, parfaitement réaliste, mais aussi l'impression, à de nombreuses reprise, de se retrouver devant un documentaire. Ce qui est dû non seulement au soin qu'ont pris les scénaristes pour se documenter, mais aussi à quelques choix de réalisation. Par exemple, le choix de privilégier l'impro de façon ponctuelle, sans prévenir tous les acteurs, parfaitement briefés sur l'état d'esprit de leur personnage, de façon à créer des réactions spontanées et authentiques. Autre effet de style : ce coté caméra à l'épaule, bien connu pour son coté immersif, et parfois utilisé pour nous faire partager aussi la perte d'équilibre d'un perso. Et le fait de ne recruter qu'en partie des comédiens professionnels, mais aussi de panacher pour obtenir un recrutement à la Cité de dieu, a participé à cette authenticité.

Heureusement, le film n'est pas linéaire.« Commençant d'une façon trop clinquante pour être vraie, Tropa de elite révèle rapidement sa vraie nature : c'est un puzzle, foisonnant mais facile à suivre tant il est bien raconté et parfaitement filmé. La noirceur de l'ensemble est hallucinante, et les quelques bulles d'oxygène qui ponctuent le film ne sont que des façons de rire de la situation présentée pour éviter d'avoir à en pleurer. Il faut voir la façon dont Padilha résume en une dizaine de minutes l'intégralité du système de pots de vin qui ronge la police brésilienne et tant d'autres avec elle. Drôle, ludique, mais à s'arracher les cheveux. Idem pour la phase de recrutement du successeur du capitaine, qui ressemble à la première moitié de Full metal jacket, mais à la puissance mille ». ( http://www.paperblog.fr/1043716/tropa-d … e-d-elite/ )
Mais Tropa de elite reste un film-choc. Par le réalisme dont il fait preuve (pas la peine de faire dans la surenchère, la réalité des favelas suffit à mettre le spectateur mal à l'aise) , accentué par ce coté semi-documentaire, par son rythme dynamique, et même super-nerveux, accentué par ce fameux style caméra à l'épaule, il parvient à nous scotcher devant l'écran, mais nous oblige aussi à encaisser à un rythme intense des idées qui ne correspondent pas des masses au fameux Brésil des cartes postales.

Des qualités qu'on nuancera toutefois par des défauts certains. En effet, le style semi documentaire, bien qu'il présente des avantages certains, a aussi des inconvénients lorsqu'il est suivi jusqu'au bout. Et le film, dans ces phases documentaires, par son manque d'effets de style, ou plutôt par son aspect épuré, présente parfois un coté assez brouillon. Ce qui a probablement été renforcé par la précipitation avec laquelle il a parfois fallu filmer certaines scènes, du fait des problèmes autour du tournage.
Une fois encore, et même sans être parfaitement d'accord avec le portrait de la société Brésilienne (puisque j'avais eu plusieurs sons de cloche en plus optimiste ou plus négatif pour pas mal d'aspects du film) , ça ne doit pas empêcher de regarder le film en étant certain d'apprécier et de voir un truc marquant, autant pour ce coté film-choc bien maîtrisé que pour la vision de la société Brésilienne, pour peu qu'on rentre un petit peu dans ce style, tout en évitant de le considérer comme le chef-d'oeuvre absolu du cinéma Brésilien.

A signaler également, une excellent bande-son rap et rock, parfaitement adaptée à l'ensemble du film, qui constitue déjà une bonne raison de le voir
Et deux anecdotes par wikipédia :
« De nombreux sponsors, après avoir lu le scénario, ont décidé de renoncer au financement du film.
Des gradés de la police militaire, notamment du BOPE (bataillon des opérations spéciales de la police) ont porté plainte contre ce film qui selon eux attaque leur corporation, viole l'honneur, la dignité et même l'intégrité physique des policiers. Le juge les a déboutés. »
Et voici mes sources :
http://confins.revues.org/index5967.html Une perle !
http://www.filmdeculte.com/cinema/film/ … -2400.html
http://www.commeaucinema.com/notes-de-p … lite,97410
http://www.paperblog.fr/1043716/tropa-d … e-d-elite/
http://www.commeaucinema.com/notes-de-p … lite,97410
http://en.wikipedia.org/wiki/The_Elite_Squad
http://fr.wikipedia.org/wiki/Troupe_d%27%C3%A9lite
http://cinemaniac.viabloga.com/news/tro … corruption
Last edited by toorop (2009-10-16 12:35:22)
The sky is blue and all the leaves are green.
The sun's as warm as a baked potato.
I think I know precisely what I mean,
When I say it's a shpadoinkle day.
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Merde je n'ai vu que la cité de Dieu qui était trés bon mais la, tu m'a donné envie:
_ de voir les films brésiliens
_ d'en savoir plus sur le cinéma de ce pays 

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Le film de Fernando Mereilles est d'une force et d'un réalisme saisissant. Un film choc sur des groupes de jeunes dans une favela miteuse au Brésil. On sent beaucoup de vécu dans la réalisation, la mise en scène est dure et percutante prouvant que Mereilles est un fabuleux manieur de caméra. Il emploie des plans saisissants comme le ferait un Scorsese ou un Tarantino (ce qui est un sacré compliment). Le jeu des images et et des couleurs est incroyable. Un film spontané et vacillant qui nous fait sortir de nos gonds longtemps après avoir vu le film. Les jeunes acteurs du film sont tous prodigieux, on se croirait vraiment en plein coeur de la favela, le film ne subit aucune longueur, il bouge tout le temps, beaucoup de scènes restent marquées dans nos mémoires. Refusant le spectaculaire à tout prix et privilégiant l'imagination à tous ces abus de violence,le film est encore plus enrichissant car il prouve qu'avec du talent et une très bonne mise en scène,on peut éviter toute surenchère d'effets speciaux sans pour autant tomber dans le cliché de certains films sur le meme thème.Avec ce film,Mereilles est entré dans la cour des grands : le plus difficile à faire maintenant, c'est d'y rester. Pour finir je trouve la bande-son excellente et non seulement le film aborde les graves problèmes sur la pauvreté lié à la drogue et à la violence mais il réussit ce qui est toujours très difficile dans ce genre de film : s'attacher à un jeune garçon qui a grandi dans cette violence sans qu'il sache que ce qu'il aura vécu sera un tremplin pour lui et dans sa vie future. Un vrai bonheur !

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Voilà un film d'immersion totale que j'apprécie particulièrement. Il est sans concessions, brute et réaliste. En plus, il pose le problème de favelas dans toute sa grandeur. Ce n'est pas un documentaire, loin de là. La cerise sur le gâteau étant qu'il offre une fin assez moraliste. C'est un film au haut en couleurs et en nuance.

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